Revenir au travail après un congé parental
« Comment reprendre le travail après 1 an « d’inactivité » [sérieusement!]? Suis-je toujours capable de faire fonctionner mon cerveau pendant 8 heures d’affilées? Comment être un bon parent tout en étant un.e bon.ne employé.e? Comment trouver un équilibre entre ma vie familiale et ma vie professionnelle ?... S’il n’y a pas de réponse miracle aux questions que je me suis posées, il y a tout de même un constat commun : à la suite d’un congé parental, la conciliation travail-famille EST un enjeu. »
Charlotte Mauffrey, M. Sc., CRHA, vous propose un article plein de ressources pour déculpabiliser les parents et aider les gestionnaires à comprendre cette réalité et à offrir du soutien à leur.e.s employé.e.s en retour d'un congé parental.
En 2021, j’ai eu la chance de donner naissance à un petit garçon à qui j’ai dédié une grande partie de mon année, aussi bien physiquement que mentalement. Mon passage de professionnelle en ressources humaines à maman à temps plein m’a, ô surprise, complètement transformée. Adieux les réflexions sur les stratégies et les outils de recrutement (je travaillais comme consultante en gestion de talents à l’époque) et bonjour les questionnements sur les meilleures couches ou comment éviter que mon fils ne se lève à 4 h chaque matin ! Mon quotidien, mon rythme, ma façon de penser… tellement de choses avaient changé !
C’est donc en étant un peu fébrile, que j’ai repris le travail en septembre 2022. Comme beaucoup de parents, je me suis alors posée plusieurs questions. Comment reprendre le travail après 1 an « d’inactivité » [sérieusement!]? Suis-je toujours capable de faire fonctionner mon cerveau pendant 8 heures d’affilées? Comment être un bon parent tout en étant une bonne employée? Comment trouver un équilibre entre ma vie familiale et ma vie professionnelle?
Des données révélatrices
Selon une enquête de Statistique Canada (2017)1, de 2012 à 2017, 2,3 millions de Canadiens (soit 80% des parents) ont pris un congé pour la naissance ou l’adoption d’un enfant. 83% des mères ont pris un congé de 27 à 52 semaines. Les données ne mentent pas : chaque entreprise, professionnel en ressources humaines ou gestionnaire est amené à un moment ou un autre à gérer le départ puis le retour au travail d’un(e) employé(e) après un long congé parental. S’il n’y a pas de réponse miracle aux questions que je me suis posées, il y a tout de même un constat commun : à la suite d’un congé parental, la conciliation travail-famille EST un enjeu.
Qui dit conciliation, implique qu’il y a un conflit entre le rôle familial et le rôle au travail. Déjà, en 1985, dans leur étude, Greenhaus et Beutell2 ont identifié trois types de conflit :
- un conflit de temps – une difficulté à allouer le temps nécessaire pour répondre aux exigences des deux sphères
- un conflit de tension – un manque d’énergie pour jouer tous les rôles et
- un conflit de comportement – une incapacité à adapter ses comportements aux différents rôles.
Ces conflits ont des répercussions (Chrétien et Létourneau, 2010)3 sur la santé mentale des employés (troubles de l’humeur, anxiété, stress, dépression, épuisement professionnel, etc.) et in fine sur les organisations (insatisfaction professionnelle, absentéisme, rendement, roulement, motivation et engagement, intension de démission, etc.). Face à cette réalité que faire ?
Des solutions organisationnelles humaines
Commençons par un point légal : lorsqu’un.e employé.e reprend le travail après un congé parental, de paternité ou maternité, la loi protège son emploi et ses conditions de travail. En tant qu’employeur, vous devez réintégrer la personne dans son poste habituel, avec les mêmes avantages, y compris le salaire à lequel elle aurait eu droit si elle était restée au travail4 (art. 81.15.1 LNT). Contrevenir à cet article de loi est une source de stress majeur pour l'employé, en plus d'être une pratique illégale.
Au niveau organisationnel, il existe une multitude de mesures favorisant la conciliation travail-famille :
- Offrir des congés (rémunérés ou non) pour obligations familiales
- Autoriser le prolongement d’un congé parental au-delà du maximum légal
- Proposer des mesures d’aménagement du temps et du lieu de travail : travail à temps partiel, travail partagé, horaire flexible, semaine de travail comprimée, retour au travail progressif, télétravail, etc.
- Proposer des mesures de soutien à la famille : service de garde en milieu de travail pour les jeunes enfants, service de références concernant la garde d’enfant, groupe de soutien pour les parents-travailleurs, etc.
- Favoriser la santé et le bien-être via différentes mesures : programme d’aide aux employés.es, télémédecine, programme de gestion du stress, etc.
Au même titre qu’une embauche se prépare formellement avec un processus d’entrevue et d’intégration, le retour au travail d’un parent devrait être planifié et structuré.
Avoir une discussion ouverte avec l’employé.e sur ses appréhensions, ses attentes, sa vision de son nouveau rôle de parent par rapport à son rôle d’employé, etc. constitue une première action à mettre en place.
Cette rencontre devrait se faire avant même le retour au travail afin de planifier celui-ci, de permettre à l’employé.e de mieux anticiper son retour et de déterminer les mesures de conciliation les mieux adaptées. Parce qu’il n’y a pas qu’une seule mesure toute faite à privilégier; la bonne solution sera celle qui conviendra à votre employé.e.
Vous devrez ensuite continuer à dialoguer avec cette personne et l’accompagner dans ses premiers jours. L’entreprise a bougé en une année! Pourquoi ne pas lui offrir une période d’accueil et d’intégration avec des formations et des suivis réguliers pour faire le point, voire même lui attribuer un buddy qui la soutiendra pendant cette période de transition? En gardant un contact régulier, vous pourrez finalement lui offrir du soutien si elle vit des défis, et, au besoin, revoir votre plan de match initial de conciliation.
Et l’inclusion…?
D’un point de vue plus global, je vous encourage également à intégrer vos pratiques de conciliation travail-famille et favorisant l’inclusivité. Offrir un milieu de travail inclusif implique de vous adapter aux réalités de chacun. Un parent qui prend une journée maladie pour la 4è fois en un mois n’ira pas siroter des mojitos sur le bord de sa piscine, mais passera la journée à offrir le support physique et émotionnel dont son enfant a besoin, tout en culpabilisant de ne pas être au travail. Avoir un milieu de travail compréhensif, qui rappelle à ses employés qu’ils ne devraient pas se sentir coupables dans ce genre de situation, fait toute la différence.
Charlotte
1 Statistique Canada. (2017). Enquête sociale générale - Familles, 2017. https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-627-m/11-627-m2020048-fra.htm
2 Greenhaus, J.H. et Beutell, N.J. (1985). Sources of conflict between work and family roles. The Academy of Management Review, 10(1), 76-88.
3 Chrétien, L. et Létounreau, I. (2010). La conciliation travail-famille : au-delà des mesures à offrir, une culture à mettre en place. Gestion, 35(3). 53-61. DOI 10.3917/riges.353.0053